Février 2020, période de soutenance de mémoire pour Morgane Gutel-Durandière, étudiante en Master 2 Architecture à l’ENSA (École nationale supérieure d’architecture) Paris Val de Seine. Son sujet : « La quête d’identité architecturale en Côte d’Ivoire ».
Ce pays elle le connaît bien, c’est le sien ! Issue du peuple Bété, ethnie du centre-ouest ivoirien, Morgane a grandi à Abidjan, au bord de la lagune Ebrié. De père Franco-Italien et de mère Franco-Ivoirienne, notre invitée de ce Rendez-vous du mercredi, possède un riche patrimoine culturel.
Du haut de son 1m79, la jeune femme de vingt-deux ans conjugue les arts depuis sa tendre enfance : l’art équestre, l’art de la scène notamment le théâtre et le dancehall, l’architecture, la mode et le mannequinat. D’autres disciplines artistiques viendront probablement étoffer cette liste…
Art comme architecture, côté formation quel serait le parcours idéal ?
Labs.Café-Live : Bonjour Morgane Gutel-Durandière, nous sommes très heureux de vous recevoir dans cette tribune consacrée aux étudiants et aux jeunes diplômés.
Claude, Hassan, Jean, Sékou et Yasmine…des lycéens en classe de Terminale ont des questions pour vous. J’ouvre les guillemets pour les énumérer. « Dans quelles matières faut-il avoir de bonnes notes pour pouvoir s’orienter en architecture après le Bac? Combien d’année d’études faut-il pour être architecte ? Faut-il posséder une qualité ou un talent particulier pour exercer le métier d’architecte ? Mais pourquoi donc avoir choisi de devenir architecte ? Votre parcours à vous, il ressemble à quoi?”
Morgane Gutel-Durandière : Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne faut pas forcément avoir fait un bac scientifique (S) et être un as en maths pour pouvoir faire architecture. Il faut pouvoir être polyvalent et s’intéresser à tout. Les plus grandes qualités d’un architecte sont la curiosité et la rigueur !
Les architectes, particulièrement, mettent un point d’honneur concernant leur épanouissement personnel au travers de leur métier ou d’autres peuvent s’épanouir strictement en dehors, par le biais d’activités personnelles. En effet, les architectes ne voient pas la vie en rose… mais en archi ! D’où l’intérêt, voire la nécessité, de s’épanouir dans son travail.
Il faut en moyenne cinq années (03 ans pour la licence et 02 ans pour le master) mais bien souvent, en fonction des parcours, certains font une année de césure qui permet de faire des stages et de gagner en maturité entre la licence et le master.
Me concernant, j’ai toujours été attirée par l’art, sans forcément en faire beaucoup d’ailleurs. Pour dire vrai, je crois bien que ce sont mes parents qui m’ont orienté vers ce métier, plus je me renseignais et plus je me rendais compte que c’était un métier qui en théorie me correspondait totalement : le parfait équilibre entre art et sciences.
Architecture, parlons-en !
Billal à Bamako au Mali : Qui sont vos sources d’inspiration ?
Morgane Gutel-Durandière : Mes sources d’inspirations sont diverses, pas seulement des architectes mais plutôt des gens que j’admire pour les valeurs qu’ils incarnent, ce qu’ils accomplissent. Pour rester dans le cadre architectural, je citerais Mr Issa Diabaté, architecte ivoirien qui m’a aidé à me poser de nombreuses questions et m’a toujours soutenue dans mes initiatives, Francis Kéré, architecte burkinabé exerçant aujourd’hui en Allemagne et mon professeur Léo Legendre, qui m’accompagne pour la réalisation de mon mémoire.
Marie à Abidjan, en Côte d’Ivoire: Les trois plus belles réalisations d’architecture selon vous ?
Morgane Gutel-Durandière: Pour moi, une belle réalisation n’est pas forcément liée à une prouesse technique ou un grand projet. Souvent même ce sont des projets d’apparence modestes mais de grande qualité architecturale. Ainsi, je citerai la Chapelle Notre dame de la Sagesse dessinée par P.L. Faloci dans le 13eme arrondissement de Paris, le musée Louisiana à Copenhague par Vilhelm Wohlert et Jørgen et enfin la Paroisse Sainte Thérèse de l’enfant Jésus d’Assinie Mafia, de Koffi & Diabaté. (image ci-dessous – Crédit photo compte Facebook Paroisse Ste Thérèse de l’enfant Jésus d’Assinie Mafia – Côte d’Ivoire).
Sékou à Conakry en Guinée : Quels types de clients ou de projets souhaitez-vous accompagner ?
Morgane Gutel-Durandière : Bien que mon idée ne soit pas encore précise, je sais que je m’orienterais vers des projets de logements. J’aime être à l’écoute des gens et échanger avec une famille, un couple afin de répondre à leurs besoins.
Claude à Abidjan en Côte d’Ivoire : Etes-vous architecte en bâtiment ou architecte d’intérieur ? Et en quoi l’écologie change-t-elle votre métier ?
Morgane Gutel-Durandière : Ce que beaucoup de gens ne savent pas, c’est qu’en étant architecte, on est d’office architecte d’intérieur. En effet, on ne conçoit pas un bâtiment sans penser l’intérieur et son aménagement. Ce qui n’est pas le cas dans l’autre sens.
Concernant l’écologie, je dirais que c’est un paramètre important à prendre en considération aujourd’hui, sachant que l’industrie du bâtiment est l’un des secteurs les plus polluants. Nous, architectes, avons un rôle déterminants à jouer et il est important de changer nos réflexes afin de construire dans un meilleur respect de l’environnement (matériaux locaux, systèmes de ventilation naturelle pour consommer moins d’énergie etc.)
M comme mode, comme mannequinat : des arts en fusion parfaite avec l’architecture pour créer le beau, le spectaculaire… l’oeuvre qui fera légende!
“L’architecture fait partie intégrante de la fabrication de l’identité des maisons de couture. Elle est présente dans les grands magasins et sur les podiums. Les créateurs quant à eux font évoluer les silhouettes des mannequins dans des monuments emblématiques et toutes les références qui émanent de ces bâtiments contribuent à l’incarnation des tendances modes. En observant la création actuelle, l’on peut constater que les liens qui rapprochent la mode et l’architecture vont bien au-delà des édifices. L’industrie de la mode semble bien avoir rejoint le groupe des grands financiers de la recherche architecturale que sont : les états et les religions.”
Labs.Café-Live : Morgane Gutel-Durandière, vous excellez dans un autre domaine: le mannequinat. Vous tendez à devenir un nom, voire l’égérie d’une marque de prestige… un métier ou un hobby pour vous ?
Morgane Gutel-Durandière : C’est avant tout une passion, et dans beaucoup de domaines je pense qu’il est nécessaire d’être passionné pour pouvoir aller loin. Dans le mannequinat, j’aime l’idée de pouvoir être une muse. J’ai une préférence pour les défilés (catwalk) plutôt que les shooting photos.
Labs.Café-Live : Comment la porte du mannequinat s’est ouverte pour vous ? Quand l’aventure des podiums, du shooting, des casting à démarrer ?
Morgane Gutel-Durandière : J’ai toujours suivis de prêt tout ce qui tournais autour de la mode. Adolescente, j’adorais suivre le parcours de jeunes mannequins. J’ai tenté ma chance lors du concours Elite Model Look West Africa en 2014 ou je suis arrivée en demi-finale si mes souvenirs sont bons. A Paris, je travaillais au début pour des étudiants en mode avec qui je suis d’ailleurs restée en contact et cette visibilité m’a permise de signer dans une agence l’année dernière.
Labs.Café-Live : Comment vous gérez votre temps entre les études et le mannequinat?
Morgane Gutel-Durandière : C’est assez complexe car les deux nécessitent du temps ! Mon objectif principal étant les études, j’ai toujours placé ces dernières en priorité et fais graviter le mannequin autour de ça.
Labs.Café-Live : Vous collaborez avec de grandes marques…Est-il facile d’être une Star des défilés, une belle étoile à avoir pour les agences, et d’être une jeune étudiante à la fac comme vos camarades? A ce propos, vous vous rendez encore en cours ou avez-vous opté pour une formule particulière, genre des cours à distance par exemple ?
Morgane Gutel-Durandière : Waw, beaucoup de qualificatifs pour moi toute seule (rire) ! Si c’est facile de garder les pieds sur terre? avec mon entourage oui ! (rire)…Bien que d’un grand soutient, ma famille et mon cercle d’amis sont toujours là pour m’empêcher de voler trop haut. De plus, disons qu’à l’école, une partie ne me connais que comme étant la « Morgane de l’école » donc n’agissent pas différemment avec moi.
Pour les cours, c’était assez gérable jusqu’à la fin de la licence. Disons que je ne travaillais pas assez en dehors pour avoir un programme aménagé. J’ai donc réussis à ne rater que très peu de cours en faveur du mannequinat. Je suis actuellement en Master 2 et j’ai opté pour un parcours un peu particulier pour la fin; j’ai décidé de diviser le programme de cette année pour le répartir sur deux ans. Ainsi, mes deux années seront plus « light » et je pourrais greffer à celles-ci plus de « missions » dans la mode.
Labs.Café-Live : Passons aux questions de nos lecteurs
Habib, étudiant en communication et mannequin à Dakar : Combien gagne en moyenne un mannequin de votre niveau (au moins disons c’est un chèque avec combien de zéro) ?
Morgane Gutel-Durandière : Eh bien détrompez-vous pas de millions (rire) ! En fait, tout dépend de l’implication, du temps que l’on y consacre et aussi la popularité du mannequin. Pour donner un exemple à mes débuts, j’ai touché environ 300 Euros pour un défilé lors d’une fashion week, sachant que j’étais jeune mannequin pas très connue dans ce milieu. Ce tarif comprenait le défilé bien évidemment mais aussi le casting, les essayages etc. Tout mit bout à bout, c’était très bien mais pas extra non plus.
Nina, employée en entreprise : A quoi ressemble une journée type lorsque l’on exerce un métier qui exige d’être mobile ?
Morgane Gutel-Durandière : Très peu de journée se ressemblent au final. Sachant que ma principale activité est l’architecture, je passe une partie de mon temps à l’école. Sinon je peux être appelée à passer un casting ou des essayages au fin fond de la banlieue parisienne (toujours avoir un bon livre) ou encore devoir passer voir le photographe de l’agence pour actualiser les « polaroids », photos simples ayants pour but de révéler la silhouette et le visage du modèle au naturel. Après tout ça, je prends de bons sushis en bas de chez moi que je dévore devant mon ordi en rentrant.
Karine, mère au foyer : Vos parents ils en pensent quoi de ce succès ?
Morgane Gutel-Durandière : Au début, le monde de la mode était un peu abstrait pour mes parents, surtout pour mon père. Maman, bien que supportrice, espérait au fond d’elle que ce ne soit qu’une lubie passagère. Ayant elle même été mannequin durant ses études et me sachant encore jeune, elle a tenté de me mettre en garde face à cette « jungle ». Aujourd’hui, ils ont constaté et compris que je savais jongler judicieusement entre l’un et l’autre et ce sont les premiers à partager mes plus beaux clichés sur la toile !
Éric, entrepreneur : Le milieu de la mode est généralement peint comme un milieu de toutes les tentations, est-ce vrai? Comment parvenez-vous à garder la tête hors de ces eaux tumultueuses?
Morgane Gutel-Durandière : Nombre de clichés et d’idées préconçues circulent sur le monde de la mode. Évidemment, il y a des extrêmes dans tout et vous pourrez y trouver sans trop de difficulté des substances pas très légales mais c’est un milieu plus sain que l’on ne le pense. Comment je garde la tête hors de l’eau ? Simplement en me rappelant de ne jamais m’écarter de l’objectif premier de ma venue à Paris. De plus, je ne peux pas me permettre de décevoir mes parents qui mettent tout en œuvre pour que mes études se déroulent au mieux.
Priscille, étudiante en finance : A part les gros cachets, quels sont les autres avantages que le mannequinat vous apporte ?
Morgane Gutel-Durandière : Les avantages sont nombreux ! On rencontre souvent de nouvelles personnes gravitants autour du milieu artistique et ces gens m’inspirent énormément. On peut également être amené à voyager dans le monde, être invité à des soirées privées avec d’énormes buffets c’est génial (rire) ! En plus de tout ça, j’améliore mon anglais et ma self confidence !
Baya, commerçante : Avez-vous des projets qui combinent architecture et mode? Comptez-vous développer des projets en Afrique ?
Morgane Gutel-Durandière : L’architecture et la mode ont en commun que ce sont des arts, il y a dans les deux un rapport à l’équilibre, la proportion, le beau. Ainsi, bien que n’ayant pas de projet précis aujourd’hui, je sais que ce sont deux choses que je ne quitterais pas et il est possible que je fleurisse un projet artistique avec entre autres ces deux mondes.
Marwani, jeune diplômée BTS Communication et mannequin : Faites moi rêver, pour quelles marques travaillez vous? Quelles sont vos astuces beautés?
Morgane Gutel-Durandière : Je travaille à la fois avec des marques pas forcément très connues et avec des maisons de haute couture comme Steven Khalil, Ozlana ou encore MrHua MrsHua.
Pour les astuces beautés, celle que je sous estimais au début et qui s’est avérée très efficace c’est de boire beaucoup d’eau et s’hydrater la peau pour un teint au top! Autrement, je n’ai pas d’astuce miracle si ce n’est s’épanouir dans ce que nous faisons. Une citation de Gilles Legardinier que j’aime beaucoup employer c’est « Les gens sont beaux quand ils font ce qu’ils aiment. », cela veut tout dire.
Josiane, juriste: Ma fille veut exercer dans le mannequinat. Quels conseils donneriez-vous aux parents qui appréhendent ce métier, afin de mieux accompagner nos enfants, et quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui veulent se lancer dans ce domaine?
Morgane Gutel-Durandière : Un (e) jeune qui veut faire du mannequinat pourra à un moment donné le faire même sans votre aval, ainsi je pense que c’est mieux de l’accompagner au possible pour qu’il (elle) puisse évoluer dans ce milieu le plus sainement. Et c’est très important et motivant d’avoir le soutient de ses proches.
Il faut toujours faire attention aux propositions bancales et vérifier le sérieux des agences, en général les meilleurs sont souvent connus de tous (quelques recherches sur internet et vous avez l’inventaire). Il faut aussi savoir que c’est un réel métier qui nécessite du temps, de la patiente et des efforts (bonne hygiène de vie, parfois loin des proches etc.) mais peut être fort enrichissant.
Mots de la fin
Le mot de la fin pour la plate-forme labs.femininonline.com ?
Un réel plaisir et une première de partager une part de moi avec tant de lecteurs (trices) !
Merci pour cette occasion.
Le mot de la fin pour un rendez-vous à nous fixer ?
En janvier prochain pour la fashion week à Paris. Et pour l’architecture la soutenance de mon mémoire début février! Tout va se bousculer !
To be continued… comme dises les anglais! Merci Morgane Gutel-Durandière pour ce moment partagé, nous vous souhaitons bonne chance pour votre soutenance. Quant à vous chers lecteurs je vous donne rendez-vous pour la semaine prochaine avec un nouvel invité. Bonne semaine à toutes et à tous ! © labs.femininonline.com
Pluridisciplinaire ou touche à tout